| Flashback sur la journée du 16 mai 2003 |
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| Le rythme des projections s'accélère pour les festivaliers. Hier, pas moins de six longs métrages et deux courts ont ainsi été proposés sur la Croisette, en Sélection Officielle ou dans la section Un Certain Regard.
Invité à Cannes pour la sixième fois de sa carrière, André Téchiné a présenté en compétition Les Egarés, en compagnie de ses comédiens Emmanuelle Béart et Gaspard Ulliel. Un drame humain se déroulant en juin 1940, au coeur du tumulte de la guerre, et centré sur la relation entre une institutrice mère de famille en perte de repères et un jeune homme à l'identité mystérieuse.
Compétition également pour la jeune Samira Makhmalbaf (23 ans), de retour sur la Croisette pour la troisième fois après La Pomme en 1998 et Le Tableau noir, Prix du jury en 2000. Cette année, la cinéaste iranienne dévoile A cinq heures de l'après-midi, film dans lequel elle suit les pas d'une jeune femme de l'Afghanistan post-taliban. Une oeuvre poignante emmenée par des comédiens non-professionnels, premier film tourné dans Kaboul "libérée".
Hors-compétition, le Festival proposait Va et vient, dernier film du cinéaste portugais João César Monteiro, décédé le 3 février 2003. Une oeuvre posthume et décalée où il se met lui-même en scène, soutenue par les deux actrices principales du film, Rita Durao et Rita Pereira Marques, présentes sur les marches. Egalement au programme, Soul of a man : réalisé par Wim Wenders (présent sur la Croisette) et porté par la voix de Laurence Fishburne, ce documentaire musical célébre la musique blues et retrace les destins tragiques de trois artistes noirs américains à travers des images d'archives et des reconstitutions d'époque. Sans oublier The Last Customer et Il Grido d'Angoscia Dell'Uccello Predatore 20 Tagli d'Aprile, deux courts métrages de l'Italien Nanni Moretti (Palme d'Or en 2001 piur La Chambre du Fils), le premier centré sur la dernière journée d'une pharmacie bientôt démolie, le second compilant vingt scènes coupées du film !
Aprile, réalisé par le cinéaste en 1998.
Du côté de la section Un Certain regard, deux films étaient programmés : la comédie dramatique Les Mains vides de l'Espagnol Marc Recha avec Olivier Gourmet et Eduardo Noriega, et American Splendor, docu-fiction de Robert Pulcini et Shari Springer Berman emmené par Paul Giamatti dans le rôle de l'artiste de bande-dessinée Harvey Pekar.
Enfin, événement parallèle au Festival, la présentation de sept minutes de la superproduction Terminator 3 : le soulèvement des machines, troisième volet de la saga futuriste portée par Arnold Schwarzenegger (présent sur le tapis rouge lors de la montée des marches) en cyborg venu du futur. Des images explosives pour l'un des films très attendus de l'été 2003. | |
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| L'émouvant va et vient de Joao César Monteiro |
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| En présentant Va et vient en sélection officielle hors-compétition, le 56e Festival de Cannes rend hommage à Joao César Monteiro, l'un des plus grands noms du cinéma portugais, décédé le 3 février dernier juste après le montage du film. Artiste expérimental et sulfureux, célèbre notamment pour sa perversité et sa lubricité, Monteiro ne laisse jamais indifférend, s'auto-proclamant chantre de son propre style, le "monterisme".
Avec Va et vient, son ultime long métrage, Monteiro reste fidèle à sa réputation de cinéaste atypique et dérangeant. Dans cette oeuvre-fleuve de près de trois heures, film testament aussi radical que ses précédentes oeuvres, il se met lui-même en scène et propose une mise en abyme du personnage hors-normes qu'il s'est créé. En filmant non sans humour sa solitude, ses obsessions, ses fantasmes puis sa propre mort, il délivre un film poignant dont la résonnance est d'autant plus forte que sa disparition est encore très fraîche dans les esprits.
Le producteur Paulo Branco était présent pour la projection officielle de Va et vient, accompagné des principaux comédiens du film. Dès les lumières rallumées, l'émotion était palpable chez ceux qui eurent l'oppotunité de côtoyer le maître portugais. | |
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| Coup de blues pour Wim Wenders |
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| Après nous avoir offert en 1999 un voyage au coeur de la musique cubaine, Wim Wenders nous revient cette année à Cannes avec The Soul of a man, un documentaire dans lequel il nous communique sa passion pour le blues. Présenté en séance spéciale hors-compétition, ce film mêlant images d'archives et reconstitutions d'époque s'inscrit dans un programme de longs métrages auquel ont notamment participé Clint Eastwood, Martin Scorsese et Mike Figgis et dont l'ambition première est de célébrer ce genre musical.
Avec la voix rauque de Laurence Fishburne, Wim Wenders s'est attaché à retracer les destins souvent tragiques de trois artistes noirs américains qui ont bercé son adolescence : Blind Willie Johnson, rendu aveugle suite à un conflit familial, Skip James, qui se fit voler les droits d'auteur de ses chansons, et J.B. Lenoir, qui décéda d'une hémorragie interne par manque de soins. Ces trois musiciens nous montrent comment avec une simple guitare, un martèlement de pieds et une voix lancinante peuvent naître de superbes mélodies.
Le cinéaste allemand filme l'importance de cet héritage musical en incluant des reprises interprétées par des artistes contemporains comme Garland Jeffreys, Alvin Youngblood Hart, Los Lobos, Lou Reed, The Jon Spencer Blues Explosion, Lucinda Williams et Eagle Eye Cherry. Afin de ne pas virer dans le classicisme, The Soul of a man emprunte de temps à autre le ton de la comédie, notamment avec cette séquence désopilante dans laquelle un couple d'amis de J.B. Lenoir nous montre un film amateur où il tente tant bien que mal de traduire les propos du musicien en suédois. | |
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| Emmanuelle Béart et André Téchiné égarés sur la Croisette |
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Présenté en compétition officielle, Les Egarés marque les retrouvailles entre André Téchiné et Emmanuelle Béart, qui avait déjà travaillé ensemble sur J'embrasse pas, mais également le grand retour du réalisateur français sur la Croisette. Habitué du Festival, il était venu y présenter en sélection officielle Les Soeurs Brontë en 1979, Rendez-vous en 1985, Le Lieu du crime en 1986, Ma saison préférée en 1993 et Les Voleurs en 1996.
Loin de nos préoccupations quotidiennes, il signe cette fois-ci un drame humain dont l'action se déroule en juin 1940, alors que de nombreux Français sont sur les routes de l'exode. Dans ce film adapté du roman de Gilles Perrault, Le Garçon aux yeux gris, Emmanuelle Béart incarne Odile, une institutrice en perte de repères qui, avec ses deux enfants, Philippe et Cathy, fait la rencontre d'un jeune homme à l'identité mystérieuse. Se prénommant Yvan, ce dernier emmène la petite famille dans une vaste demeure laissée à l'abandon. Vivant dans un univers clos, coupé du monde extérieur, Odile et Yvan, une adulte et un adolescent aux caractères diamétralement opposés, vont être confrontés à leurs propres désirs.
Pour Emmanuelle Béart, "Odile bascule peu à peu vers la folie et retourne en enfance. Elle est en évolution permanente. Au contact d'Yvan, elle rajeunit, tandis que ses enfants grandissent très vite. Les choses s'inversent." André Téchiné, qui se voulait irréprochable sur le réalisme de l'époque, met brillamment en scène cette "interpénétration des âges" dans cette maison où le temps est suspendu. Si Emmanuelle Béart est une habituée de Cannes, où elle avait présenté La Répétition de Catherine Corsini en 2001, c'est en revanche la première montée des marches de son jeune partenaire, Gaspard Ulliel, qui effectue ici des débuts prometteurs. | |
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| Conférence de presse des "Egarés" : paroles d'André Téchiné, d'Emmanuelle Béart et de Gaspard Ulliel |
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Suite à la projection des Egarés, le cinéaste André Téchiné, les comédiens Emmanuelle Béart et Gaspard Ulliel ainsi que l'écrivain Gilles Perrault ont répondu à quelques questions des journalistes :
André Téchiné s'est tout d'abord exprimé sur le soin avec lequel a été reconstituée la période de l'exode : "Je n'ai pas eu le sentiment de faire une reconstitution d'époque. Je me suis penché sur ma propre enfance durant laquelle j'ai été bercé par des récits de l'exode. Je me sens en quelque sorte contemporain de cette débâcle. Le film a toutefois nécessité un important travail d'enquête et de documentation." Gilles Perrault a d'ailleurs ajouté à ce sujet : "J'avais neuf ans en 1940, j'ai vécu l'exode, j'ai donc des souvenirs forts. En regardant le film, j'ai eu l'impression de revivre ses moments de vacances merveilleuses que représentait l'exode durant mon enfance."
Emmanuelle Béart et Gaspard Ulliel ont ensuite évoqué la manière avec laquelle ils ont abordé leurs personnages : "Odile est une femme qui s'est construite intellectuellement, mais dont l'univers mental va soudainement être bouleversé. Dans cette maison où elle perd ses repères et le fil avec ses enfants, elle bascule peu à peu vers la folie et retourne en enfance. Elle est en évolution permanente. Au contact d'Yvan, elle rajeunit, tandis que ses enfants grandissent très vite. Les choses s'inversent." Quant au rôle d'Yvan, Gaspard Ulliel s'imaginait d'abord un "personnage assez brutal, sauvage et dur". "Mais après avoir travaillé avec André, je l'ai davantage perçu comme sensible. C'est un personnage qui se cherche comme Odile."
Quant à la scène d'amour, André Téchiné a opté pour une transposition telle quelle à l'écran : "Après la confidence réparatrice avec le soldat, Odile cède soudainement au désir charnel. Le désir, c'est ce qui reste quand on a tout dit." | |
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| L'Afghanistan selon Samira Makhmalbaf |
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Et l'actualité rattrape la Croisette. Deux ans après son père Mohsen et son Kandahar, Prix du jury oecuménique, c'est au tour de Samira Makhmalbaf de s'attacher au destin des femmes aghanes dans A cinq heures de l'après-midi présenté en compétition officielle. Pour ce faire, la jeune réalisatrice iranienne (23 ans), présente à Cannes pour la troisième fois après La Pomme en 1998 et Le Tableau noir, Prix du jury en 2000, suit au plus près les pas de Noqreh, jeune femme de l'Afghanistan post-taliban, partagée entre son quotidien de survie et son rêve de devenir ... Présidente de la République. Une belle façon de placer le pays au coeur même de ses contradictions, à l'image de son héroïne.
Premier film tourné dans Kaboul "libéré", interprété par des acteurs non professionnels dont Agheleh Rezaie en Noqreh impressionnante de détermination et de résignation silencieuse, A cinq heures de l'après-midi n'occulte rien des tourments du pays, même sans les talibans, livré à lui-même ou presque, balancé entre son aspiration de liberté et son désir de tradition. Un constat amer, parfaitement mis en scène au travers d'images fortes en symbolisme (les chaussures), qui n'excluent pas une bonne dose d'humour salutaire et même un tendresse véritable de la réalisatrice pour un peuple voisin.
Tout le mérite à l'association Samira –Mohsen Makhmalbaf, elle à la réalisation, lui au montage et surtout à la base de la nouvelle dont A cinq heures de l'après-midi est tiré. Difficile d'ailleurs de ne pas faire le rapprochement avec Kandahar, dont les silhouettes fantomatiques cachées sous les bourkas bleues semblent avoir traverser le temps et la pellicule pour se retrouver une nouvelle fois sur la Croisette.
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